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121212 - Kissako (喫茶去)
L'année dernière, je me trouvais en compagnie de Julia et Nikosan à Takamatsu grâce à l'association Shikoku Muchujin que je ne présente plus. Le dimanche 13 novembre 2011 plus exactement, nous participions à notre premier kissako chakai organisé par la Fondation Chûjo sous le "Dôme" de Takamatsu… que de bons souvenirs...
Le thé est un partage, une célébration, un échange, une communion… il faut donc être au minimum deux (bien qu'il soit tout à fait possible de préparer le thé lorsque l'on est seul, mais, on aborde alors un autre aspect de sadô). Hors, les chajin, les pratiquants de la voie du thé, sont au Japon de moins en moins nombreux. La culture traditionnelle est en très grande majorité délaissée par la jeune génération au profit de celle importée d'occident. Les kissako chakai tels que Chujo sensei les organise, sont des occasions pour les japonais eux-mêmes de découvrir (ou re-découvrir) un pan important (si ce n'est un pilier) de leur propre culture.
C'est donc tout naturellement que l'envie de commémorer ce premier anniversaire s'est petit à petit immiscé dans mon esprit. J'ai eu envie de me replonger dans ces souvenirs de l'année dernière, d'avoir une chaleureuse et sincère pensée pour les personnes et amis restés à Takamatsu. J'ai eu envie, avec les moyens qui sont les miens, d'offrir la possibilité de découvrir l'univers de sadô, le temps d'un chakai totalement informel, le temps d'une "rencontre autour du thé".
Les objets sélectionnés pour l'occasion étaient presque tous en relation avec Shikoku ou Takamatsu. Pour un meilleur toriawase "shikokuesque", il aurait fallu que je puisse disposer d'un natsume rapporté de Takamatsu, ou encore comportant un makie (蒔絵, dessin réalisé en laque dorée) représentant des pins, des épines de pin, ou toute autre évocation du conifère qui prête son nom à la celui de la ville (高, taka = haut, élevé - 松, matsu = pin)… La représentation du pin était bien présente cependant, sur le chagama, et je choisis finalement d'associer au reste des objets un natsume tourné dans un tronçon de bambou en l'honneur de Jean, tourneur sur bois amateur et compagnon de route au dôjo Ômori40, qui fût le shokyaku (premier invité) de la première session matinale (il y en eut 2 autres pendant la journée).
Je ne me sens certes pas la personne la plus légitime pour faire "découvrir" un pan d'une culture ancestrale qui ne m'appartient pas, mais je lui voue un profond respect, un amour inconditionnel et lui dédie la plus grande majorité de mon temps libre, ce qui est de mon point de vue, déjà mieux que rien. Chaque jour, j'apprends à connaître cette culture un peu mieux, je m'en abreuve avec l'espoir qu'elle finira par devenir toute aussi familière que ma propre culture, qu'elle deviendra véritablement une part de moi même… le chemin sera long, mais j'ai tout mon temps. Alors j'avance avec le coeur léger.
Sadô, est à la fois très simple et très compliqué. C'est en tout cas quelque chose que l'on ne peut "expliquer" et qu'il faut donc "vivre". Et c'est parce que personnellement j'ai longtemps été frustré de ne pouvoir "vivre" cet appel de sadô et parce qu'il est finalement devenu mon quotidien, que je continuerai, dans le cadre des limites qui sont les miennes, de recevoir dans mon humble "cabane à thé", les rêveurs, les curieux, les contemplatifs, les "tatamisés" et plus simplement, toute personne désireuse de partager un moment de thé selon les principes de chanoyu.
Merci à Jean, Olivier, Corinne, Dominique, Eve et Jean-Daniel d'avoir répondu à l'invitation de ce kissako chakai.
Chaleureux remerciements adressés à Olivier Deck pour les superbes photos réalisées ce jour là (voir ci-dessous).
Je dédie cette journée à tous mes amis de Takamatsu.
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Toriawase (取り合わせ).
Shikishikake(色紙掛け) : 喫茶去 "kissako" ("Voulez-vous du thé ?")
Hana (花) : kiku (chrysanthème) et yamagobo (Phytolacca americana)
Hanaire (花入) : "Marugame" (丸亀, du nom de la ville de la préfecture de Kagawa), réalisé par mes soins sous la direction de Mihara Keiji sensei.
Kogo (香合) : boîte à musique en porcelaine aux motifs de momiji,
cadeau de Ozaki Mie san.
Chagama (茶釜) : type marugama (丸釜), avec motifs de pins
Omojawan (主茶碗) : "Tadaima" (ただいま, ‘’Je suis rentré à la maison !’’), style Shigarakiyaki, cadeau de Akiyama Wakô sensei .
Kaejawan (替茶碗) : Kuroraku (raku noir) "Tôtomono" (貴者, "Le Précieux")
Chaki (茶器) : fubukinatsume (吹雪棗) en bambou laqué (shunkeinuri)
Chashaku (茶杓) : "Deai" (出会い , "rencontre"), susudake. Cadeau de Chûjo sensei
Mizusashi (水指) : Hagiyaki
Kensui (建水 ) : de type magemono (曲物) en bois de hinoki (檜)
Futaoki ( 蓋置 ) : tronçon de bambou vert
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121117 - kairo (開炉)
Il y a quelque temps, je préparais le thé pour Axelle san et Junichi san .
Ce fût à plus d'un titre un moment important. La première des raisons était qu' ENFIN, je recevais un japonais habitant les Landes ! Le premier à ma connaissance (même si Junichi san allait m'apprendre plus tard qu'un couple de ses compatriotes était installé à Mont de Marsan). Je me devais donc de les recevoir, son épouse et lui, de la manière la plus chaleureuse possible.
Le second point important concernait la date de notre rencontre. Hasard du calendrier, nous avions convenu d'une date qui était propice à l'ouverture du ro. Kairo (開炉) est un moment clé dans l'année d'un chajin. C'est un moment emprunt d'une petite pointe de mélancolie toute japonaise : la belle saison est passée, le furo (voir billet 120901), ainsi que tous les objets de thé relatifs à son utilisation, ont été rangés et ne seront de retour qu'au printemps prochain. Il faut se préparer à l'hiver, à le recevoir, à l'accueillir.
Si le furo de la saison estivale trouve ses racines dans la Chine des Sung, le ro est une "invention" purement nippone, une de ces idées géniales qui a transformé un "Art du thé importé du Continent" en quelque chose de viscéralement japonais : sadô. On peut voir le ro comme une version réduite du irori (囲炉裏), ce foyer enterré que l'on trouve (entre autre) dans les vielles minka (民家), ces demeures traditionnelles paysannes. Véritable "coeur" de la maison le irori réchauffe, éclaire, nourrit, rassure. Mais il accueille et réconforte aussi le visiteur. Pas étonnant dès lors d'en retrouver trace au sein d'un chashitsu.
J'ai donc ouvert le ro cette année pour la venue d'Axelle san et Junichi san et allumé le premier feu en leur honneur. La mélancolie de "l 'au revoir de la belle saison" s'est alors muée en bonheur de faire deux nouvelles rencontres. Merci à vous deux de votre visite. Je vous ai peut être accueilli au sein de mon petit pavillon de thé dont le "coeur" s'activait à nouveau, mais c'est bien vous qui avez réchauffé le mien.
Yoroshiku onegaishimasu.
PS : Junichi san donne des cours de japonais. Si vous êtes en Chalosse et que vous êtes interessés, merci de me contacter, je ferai suivre votre demande.
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Toriawase (取り合わせ).
Shikishikake(色紙掛け) : 初 "hatsu" (premier, nouveau)
Hana (花) : kiku, chrysanthème
Hanaire (花入) : vase grès non émaillé, cuisson au bois, par Xavier Maffre
Kogo (香合) : boîte à musique en porcelaine aux motifs de momiji
Chagama (茶釜) : marugama (丸釜), avec motifs de pins
Omojawan (主茶碗) : "Ama no Gawa" (天の川, "Voie Lactée"), Hagiyaki de style Ido.
Kaejawan (替茶碗) : Kuroraku (raku noir) "Tôtomono" (貴者, "Le Précieux")
Chaki (茶器) : fubukinatsume (吹雪棗) en bambou laqué (shunkeinuri)
Chashaku (茶杓) : "Deai" (出会い , "rencontre"), susudake. Cadeau de Chûjo sensei
Mizusashi (水指) : Bizenyaki
Kensui (建水 ) : de type efugo (餌畚)
Futaoki ( 蓋置 ) : tronçon de bambou vert
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121103 - du わ dans le jardin.
Il est dit que c'est le maître de thé Furuta Oribe qui le premier divisa le roji (露地) à l'aide de takegaki (竹垣, clôture en bambou) de type yotsumegaki ( 四つ目垣 ). Quoi qu'il en soit, ce type de barrières en bambou évoque de nos jours instantanément l'univers du jardin de thé classique. Au début de l'aventure fujijardins, mon petit jardin n'était guère plus qu'un terrain d'expérimentation en 3D au sein duquel j'essayais de mélanger plusieurs "atmosphères" (chaniwa, karesansui et tsuboniwa d'où l'emploi du pluriel dans le nom de "fujijardins"), tout en gardant le fil conducteur du jardin de thé comme base structurelle. Naïvement, je pensais pouvoir créer du わ, cette "chose" qui m'échappe encore et que je n'arrive toujours pas à définir véritablement, cette "chose" qui provoque un profond bouleversement dans mon kokoro (la partie japonaise de mon être) lorsque je contemple un jardin au Japon, et tout particulièrement un roji.
Cette sensation bienfaisante qui résulte du わ, je ne l'ai jamais éprouvé ailleurs qu'au sein d'un jardin au Japon. Pourquoi ? Je ne me l'explique pas véritablement et c'est pourquoi je l'évoque en utilisant le kana わ, parce qu'il y a dans わ un verrou proprement japonais dont je ne mesure toujours pas la probabilité d'ouverture par un gaijin (外人, étranger). わ c'est "l'ingrédient" qui fait toute la différence, celui qui est cruellement absent dans nos ersatz de jardins s'octroyant pompeusement le qualificatif de "japonais". Ne nous y trompons pas, je m'inscris dans le lot. Force est de constater que je ne suis pas parvenu à ce jour à re-créer ce わ dans mon petit bout de terrain sableux et j'ai même pris conscience dernièrement que je n'y arriverai jamais. Loin de considérer cela comme un échec, je me dis au contraire que cette prise de conscience constitue un premier pas vers une compréhension de la véritable nature du わ... du moins, j'ose le croire... si je ne peux re-créer du わ, je peux essayer de m'en rapprocher au plus près.
J'appréhende donc mon jardin sous cet angle depuis quelques mois. Conscient de mes limites, de mon incompréhension du わ, j'essaie tant bien que mal de rendre cet environnement propice à une activité s'articulant autour du thé. Rendre "transparents" les takegaki qui séparaient uchiroji et sotoroji était une première étape qui me semblait absolument nécessaire. C'est à présent chose faite, mais il reste énormément de travail pour aménager la partie uchiroji qui n'est qu'à peine ébauchée. Cela se fera avec le temps... ou pas...
Mais revenons aux yotsumegaki . Les barrières que j'ai mises en place ne vont pas jusqu'au bout de la limite du terrain, elles s'arrêtent bien avant. Le propos étant d'affirmer ici une séparation plus symbolique que concrète. Il en est de même à la gauche du kido (木戸 portillon léger) : je n'ai mis en place aucune structure en bambou, la végétation présente servant amplement à "boucher" l'espace. Une barrière donc, mais qui ne sert pas à "barrer", simplement à matérialiser le fait qu'à cet endroit, une limite existe entre deux univers, entre le monde de tous les jours et celui du thé.
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121021 - Otsukimi (お月見)
Il y a quelque temps, je préparais le thé pour Eve, Ulla et Olivier à l'occasion de Otuskimi, la fête de la pleine lune.
Otsukimi est à l'origine une fête chinoise, mais de nombreux peuples d'Asie célèbrent cette lune qui revêt à ce moment de l'année son plus bel aspect. Au Japon, c'est l'occasion de se retrouver entre amis pour manger des aliments évoquant l'astre (par leur forme ou leur couleur) et boire du saké cela va de soit. Pour l' homme de thé que j'essaie de devenir, c'est l'occasion "extra-ordinaire" (au sens premier des termes) de pratiquer et d'offrir un temae nocturne à mes invités. Le propos n'est pas ici de chercher à singer une fête issue d'une culture qui n'est pas la nôtre (ceci étant, les astres ont toujours occupé une place importante parmi l'ensemble des civilisations du genre humain, et ce depuis fort longtemps), mais de renouer avec des plaisirs simples qu'offre Dame Nature à cette période de l'année, tels que : s'émouvoir du chant des derniers grillons, s'emmitoufler de la douce morsure des premières fraîcheurs crépusculaires de l'automne, s'émerveiller de la transformation qu'opère la blême lumière de l'astre sur notre environnement quotidien, se laisser hypnotiser par la danse de la flamme de la bougie qui éclaire l'intérieur du chashitsu et qui transforme tout en un étrange ballet de formes mouvantes qui, curieusement, m'évoque une respiration… Certains passages de "L'éloge de l'Ombre" de Tanizaki me reviennent en tête….
Cette flamme de bougie m'éclaire, au propre, comme au figuré.
Eve a été le shokyaku de ce moment de thé placé sous le signe de la Lune. C'était la première fois qu'elle venait aux fujijardins. Eve est passionnée de thé (tous les thés) et partage cette passion via son blog (que je vous invite à consulter) et diverses interventions qu'elle effectue dans la région. Elle propose également une sélection de thés chinois et vietnamiens de bonne facture que j'ai eu plaisir à goûter.
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Toriawase (取り合わせ).
Shikishikake(色紙掛け) : 月 "tsuki" (Lune)
Hanaire (花入) : grès émaillé blanc par Ulla Fröhle
Furo (風炉) : type doânburo (道安風炉)
Chagama (茶釜) : type tsutsugama (筒釜), à motifs de feuilles de bambou
Omojawan (主茶碗) : "Sasa" (ささ), Shinoyaki de type Mino.
Kaejawan (替茶碗) : Kuroraku (raku noir) "Tôtomono" (貴者, "Le Précieux")
Chaki (茶器) : fubukinatsume (吹雪棗) en bambou laqué (shunkeinuri)
Chashaku (茶杓) : "Deai" (出会い , "rencontre"), susudake. Cadeau de Chûjo sensei
Mizusashi (水指) : Sakatsuyaki (Préfecture d' Okayama) de type hosomizusahi (細水指)
Kensui (建水 ) : de type magemono (曲物) en bois de hinoki (檜)
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La Lune a bien voulu nous montrer son visage rond. Pensées chaleureuses à mes amis de coeur et de thé de l'île de Shikoku qui loin de pouvoir jouir d'une pareille vue, ont du faire face aux assauts d'un typhon au même moment. |
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Dans le tokonoma un shikihishikake orné du kanji "Tsuki". Juste en dessous, des tsukidango (月見だんご), boulettes de riz gluant dont la forme et la couleur sont de circonstance. Enfin, sur la droite, un vase blanc accueille des herbes graciles récoltées au bord du lac, qui même si elles n'ont pas la délicatesse des susuki (薄) japonais, constituent un substitut honorable à mes yeux.
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J'avais préparé pour mes invités une légère collation : misoshiru (味噌汁), gohan (御飯), tsukemono (漬物), umeboshi (梅干) accompagnés de osake (お酒), et pour finir, cette petite assiette de fruits de saison. |
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Omiyage (お土産) fait maison : une petite pochette-souvenir pour chacun de mes invités contenant un petit kanji "tsuki" faisant écho à celui que j'avais calligraphié pour le tokonoma.
Que cette douce soirée reste longtemps dans vos kokoro. |
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120913 - Shikoku Haïku Tour 2013
Les camarades Danièle, Minh-Triêt et Laurent sont bien arrivés à Takamatsu et ont déjà le "rythme de croisière" des Shikoku Tours : photos, commentaires et haïku vous attendent sur leur site/blog respectif (cliquez sur les photos ci-dessus pour y accéder directement).
Bon séjour à tous et faites nous rêver !
Le programme du séjour est disponible sur le site de Shikoku Muchujin.
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120722 - fujijardins v2.0 : changement de perspectives.
Cinq ans se sont passés depuis la mise en place des takegaki (竹垣, clôture en bambou) qui séparent sotoroji et uchiroji aux fujijardins. Cinq à sept ans est l'espérance de vie moyenne pour ce genre de réalisations. Passé ce délai, les bambous sont souvent trop abimés et doivent être remplacés (surtout lorsqu'ils sont naturels, non traités, ce qui est le cas ici). Bref, le temps fait son oeuvre, rappelant que toute chose est éphémère.
A l'époque , j'avais opté pour un takegaki de type sudaregaki (簾垣, aussi appelée misugaki 御簾垣 ), le but était d'occulter la partie sèche (karesansui) qui se trouve juste derrière (la jeune végétation de l'époque ne permettant pas de faire cet office). Aujourd'hui, les choses ne sont plus les mêmes. La végétation a poussé (même si je suis encore bien loin de l'ambiance ombrée si caractéristique des roji et je n'y parviendrais sans doute jamais d'ailleurs) et ma vision du jardin de thé a évolué du fait de ma pratique de sadô. A nouvelle vision, nouvelle perspective !
J'ai commencé à enlever la partie de gauche du takegaki pour "voir ce que cela donnait" et ai été agréablement surpris : un nouveau jardin se présentait à moi (j'ai beaucoup d'imagination) ! Je décidais donc de ne pas remonter de nouvelle barrière occultante (shaheigaki 遮蔽垣) mais par contre de garder la barrière de type yotsumegaki ( 四つ目垣 ) que l'on aperçoit devant le sôan. Elle reste en effet nécessaire à la délimitation du parcours que les invités doivent emprunter pour accéder à l'entrée du pavillon de thé. Il me fallait cependant la refaire totalement.
Ce type de barrière, évoquant instantanément le monde de sadô, est faussement simple. Il en existe de nombreuses sortes et variantes, le tout étant de trouver une harmonie entre la hauteur de la barrière, la section des chaumes de bambou (dôbuchi (胴縁), morceaux horizontaux et tateko (竪子), les verticaux) et le rythme du quadrillage ainsi formés. Comme le précise Isao Yoshikawa dans son ouvrage (Palissade en bambou) : "la barrière doit non seulement être d'une austère élégance, mais aussi parfaitement proportionnée". Je ne sais pas si je peux prétendre à cette perfection, mais ce dont je suis certain, c'est d'être arrivé à améliorer l'aspect général de cette petite barrière (vous pouvez comparer l'ancienne version du yotsumegaki sur la photo de janvier de cette page). Dans cette nouvelle mouture, j'ai opté pour des bambous de section bien plus importante (bambous toujours naturels, coupés en forêt) tout en abaissant la hauteur de l'ensemble. La barrière est ainsi visuellement plus "concentrée", plus présente, tout en restant paradoxalement discrète d'un point de vue global. Les oyabashira (親柱 poteaux de soutien aux extrémités) ont été peints en noir satiné leur donnant un faux air de morceaux de sumi (炭, charbon). Les ligatures sont de style traditionnel ibomusubi (いぼ結 , litt. "noeud-verrue", sans doute appelés de la sorte du fait de la protubérance que forme le noeud lui même). Ce noeud est aussi appelé "otokomusubi"(男結, noeud-mâle) pour une raison que vous aurez compris par vous même suite à l'explication précédente. J'ai employé une simple ficelle imputrescible noire (car j'en avais sous la main) mais l'utilisation d'une ficelle de chanvre traditionnelle rendra la confection du noeud plus aisée (la fibre synthétique étant plus raide et plus "glissante"). Vous pouvez commander ce genre de produits parmi d'autres sur ce site à un tarif raisonnable.
Quant à la partie de droite du takegaki qui reste en place, je me dois de la changer également, mais pour le moment mes idées ne sont pas encore bien arrêtées… Ce qui est certain, c'est que la séparation qui doit à présent exister entre sotoroji et uchiroji dans un jardin servant de cadre à des chakai (茶会, rencontre autour du thé) doit être plus symbolique qu'autre chose. C'est sans doute pour cela que les maîtres de thé ont inventé le type yotsumegaki pour leur jardin, un style tout en transparence (透垣 sukashigaki, en opposition au terme shaheigaki précédemment cité). Il en va ainsi de même pour le portillon du chûmon. Cet endroit charnière du jardin, lieu ô combien symbolique de la rencontre entre le monde profane avec celui du sacré, ne doit pas avoir des airs de place-forte ou de barricades, ce qui serait un total non-sens dans le contexte du wabicha, le thé de la simplicité auquel j'adhère. Certes, il existe des takegaki et des chûmon imposants au Japon, mais ces derniers sont bien souvent situés au sein de jardins de thé ayant appartenus à l'élite du pays (au sens large du terme) et servaient dans un contexte où les signes extérieurs de richesse et de puissance prévalaient sur les valeurs simples et spirituelles prônées par le wabicha. Dans la mesure du possible, je souhaiterais donc mettre en place la forme la plus primitive et la plus simple de portillon (qui souvent est associée aux yotsumegaki), à savoir : un shiorido 枝折戸 (rappelez-vous celui de la fondation Chûjo à Takamatsu).
Ceci dit, les jardins de thé de la noblesse sont loin d'être dénués d'intérêt (je pense, entre autres, au joyau qu'est la villa impériale Katsura Rikyu , dont les jardins dans leur forme actuelle, auraient été aménagés sous la direction du fameux Kobori Enshû comparé parfois à Léonard de Vinci). Tout n'est donc que question de circonstances, d'appréciation, de goût personnel et de conviction. Pour ma part, bien qu'affectionnant particulièrement la Katsura Rikyu, j'apprécie plus "naturellement" la sobriété de jardins tels que le Keishuin ou le Kôtoin (ce dernier reste à mes yeux l'un de mes préférés, si ce n'est mon préféré).
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120622 - ochakai pour...
Pour l'ami Christian, disparu jour pour jour il y a 2 ans...
Pour Lionel et Stéphanie. Merci de votre amitié, merci d'être venus jusqu'ici pour partager (entre autres) ce thé.
Pour Sochan (qui sait que je n'ai besoin de rien ajouter d'autre ici).
Pour le petit Léo qui a pris le sein au côté du bol offert à Christian qui trônait dans le tokonoma. Tu ne te souviendras pas de ce moment et pourtant le hasard a fait que tu auras donné à ce ochakai une conclusion et une dimension toute particulière.
Que ta route soit belle.
La mort, la vie
Un thé
Une harmonie.
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Toriawase (取り合わせ).
Shikishikake(色紙掛け) : Shikishi vierge
Furogama (風呂釜) : type kirikakeburo (切掛風炉)
Omojawan (主茶碗) : "Ama no Gawa" (天の川, "Voie lactée"), Hagiyaki de style Ido.
Kaejawan (替茶碗) : "Namida" (涙, "Larmes"), natsujawan (夏茶碗), Karatsuyaki de style Mishima.
Chaire(茶入) : "Tsuyu", (梅雨, "Saison des Pluies") Setoyaki de forme katatsuki (肩衝). Shifuku (仕覆 ) : Iyosudare donsu de style Himaji Umebachi.
Chashaku (茶杓) : "Sanyu" (三友, "Les trois amis"), réalisé dans un morceau de racine de bambou avec l'aide de Mihara Keiji sensei.
Mizusashi (水指) : Kyôyaki de style Hakeme (刷毛目) avec nuributa (塗蓋).
Kensui (建水 ) : Bosaki kensui plaqué argent.
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120429 - 絆 Kizuna ("lien").
Chaque année les japonais votent pour choisir le kanji de l'année. L'année dernière ce fût kizuna, le"lien", qui a été choisi. De nombreux liens se sont en effet noués suite aux tragiques évènements du 11 mars. Des liens de soutien entre les japonais eux même et des liens de solidarité entre les peuples étrangers venus en aide spontanément aux sinistrés de la région de Sendai. Voilà pourquoi ce "mot" a été choisi par les japonais pour marquer l'année 2011.
D'un point de vue personnel, un autre lien se sera noué en 2011. Un lien beaucoup moins dramatique. Un lien avec l'école de thé Sôhen ryu Shodenan 宗偏流 正伝庵 située à Tokyo. Voilà pourquoi j'ai choisi le mot kizuna pour baptiser ce chashaku que j'ai sculpté dans un morceau de bois d'orme. Il appartient à la catégorie shin (真, formel) et sa forme s'inspire des chashaku originels en ivoire rapportés de Chine en même temps que le thé en poudre par Eisai. J'ai déjà évoqué cette classification que l'on retrouve dans bien des aspects de la vie japonaise, y compris dans l'art des jardins et bien entendu très présent dans le monde du sadô.
Un chashaku peut donc être catégorisé de la sorte : Il sera considéré comme shin s'il est en ivoire (ou en écaille de tortue). S'il est sculpté dans un morceau de bambou avec un noeud situé à la fin du manche, il sera de type gyo (行 semi-formel). Enfin, tout autre type/matériau appartient à la catégorie sô, ce qui inclut la forme la plus commune, à savoir, un chashaku en bambou avec le noeud situé au milieu.
J'ai offert kizuna à Sôryu sama, le iemoto de Sôhen ryu Shodenan lors d'une rencontre organisée le 26 avril dernier à la gare de Ueno (Tokyo) par mon maître de thé, Sôki sensei. Plus qu'un cadeau, ce geste revêt pour moi un caractère symbolique : kizuna me relie désormais à "mon" école. Puisse ce "lien" se nouer profondément en mon kokoro (心, coeur, esprit) et pour longtemps.
Merci infiniment à Sôryu sama de m'avoir accordé un peu de son temps pour le rencontrer, et ce malgrè un programme plus que chargé.
Mille mercis à Sôki sensei pour avoir fait en sorte que ce moment ait eu lieu et d'avoir été présent à mes côtés.
Tout ce qui m'arrive aujourd'hui concernant sadô, je le lui dois.
Kokoro kara arigatou gozaimashita !
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1204012 - Ohanami.
Il y a quelque temps, je préparais le thé à la demande d'amis, Isabelle et Arsène, qui souhaitaient fêter ohanami (お花見, litt. : "regarder les fleurs").
Isabelle a en effet conçu un jardin d'inspiration japonaise qui impressionne par ses dimensions tant il est vaste ! Collines, vallées, enrochements et cascades sèches, rien ne manque... si ce n'est un bassin avec des koï (mais c'est à l'étude). Un vrai travail de titan ! Quelques sakura (cerisiers japonais) sont parsemés dans le paysage et c'est à l'ombre d'un des plus beaux, que nous avons convenu de partager le thé.
Une fois installé le matériel nécessaire au nodate (野点, thé en extérieur), j'ai eu le privilège (et le plaisir) d'avoir comme shokyaku (正客, invité principal) Michiyo san qui pour l'occasion s'était vêtue d'un kimono de circonstance. Michiyo san a été initiée au thé de l'école Uraku ryu (école issue de tradition martiale, comme l'est aussi Sohen ryu Shodenan, le style que j'étudie). Isabelle fut ma seconde invitée.
J'ai préparé le thé selon le protocole de obondemae que j'ai déjà évoqué dernièrement, car l'occasion restait des plus informelles : nous avions en face de nous d'autres invités qui assistaient "de l'extérieur" au déroulement du temae.
J'ai servi le thé de Michiyo san dans un céladon fabriqué par un potier français (voir liste ci-après), alors que j'avais réservé un bol japonais à Isabelle... une façon comme une autre de "trouver l'équilibre". Une fois le temae terminé, j'ai préparé des bols de thé pour l'assistance envieuse de goûter elle aussi (avec plus ou moins de plaisir) le breuvage mousseux, pendant que Michiyo san répondait aux questions des plus curieux. J'ai été fortement impressionné par son maintien, ses gestes, sa façon de bouger, de se déplacer. Mais j'eus peu après une explication en conversant avec elle : Michiyo san est la fille d'un maître de Nô(能) qui possède sa propre scène à Tokyo. Pas étonnant dès lors que tous ses mouvements soient emprunt de cette grâce qui caractérise les acteurs de cet art théatral qui fût codifié au XVIe siècle. Michiyo san m'a d'ailleurs appris qu'il existait de nombreux points communs entre sadô (la voie du thé) et le Nô, comme : la façon de marcher (dans un chashitsu) ou encore la façon de porter et tenir certains objets servant à la préparation du thé.
Cette expérience aura été très intéressante et m'aura appris beaucoup. C'était la première fois que j'organisais un chakai (une réunion de thé) en dehors de ma petite "cabane au fond du jardin". Et même si cela m'a demandé beaucoup de préparation, je ne demande qu'à recommencer, car le thé est véritablement une histoire de rencontre et de partage.
Je dédie cette journée à la petite Hana, arrivée parmi nous depuis peu, ainsi qu'à ses heureux parents.
Enfin, je remercie Sophie pour les belles prises de vues qu'elle a réalisées ce jour là.
à suivre (ou pas)...
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Toriawase (取り合わせ)
Kakejiku (掛軸): Wa Kei Sei Jaku (和敬清寂, Harmonie, Respect, Pureté, Sérénité).
Hanaire (花入) : vase en bambou fumé (susudake) réalisé à Takamatsu, laissé vide.
Tetsubin (鉄瓶) : à motifs d'écailles de tortue (kikkô 亀甲)
Binkake (瓶掛) : grès émaillé (noir tenmoku) tourné par Ulla Fröhle
Omojawan (主茶碗) : "Asagao" (朝顔, volubilis), céladon par Xavier Maffre
Kaejawan (替茶碗) : hirajawan de style Mishima.
Usuki (薄器): ô-natsume en bois laqué noir avec motif de bambou (makie)
Chashaku (茶杓) : "Deai "(出逢い, "Rencontre"), susudake. Cadeau de Chûjo Harayuki sensei
Marubon (丸盆) : plateau rond en bois de zelkova laqué (shunkei-nuri)
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120404 - Obondemae pour Laurent Payen.
Il y a quelque temps, je préparais le thé pour Laurent Payen.
Laurent est budôka et adepte du zen Soto depuis une douzaine d'années. Il enseigne depuis 2005 le iaidô (4e Dan), le jodô (4e Dan et Directeur Technique Régional), le battodô (3e Dan) et le kenjutsu au sein du Kozankan le dôjo qu'il a créé chez lui, prés de Pau. Passionné par le Pays du Soleil Levant, il s'est également lancé dans l'aménagement "à la japonaise" de son jardin et d'un bâtiment qui devrait abriter des pièces japonaises (voir ici).
Avec un tel curriculum vitae, c'est tout naturellement sous l'angle des budô que j'ai eu envie de placer notre première rencontre. J'ai réalisé à son attention une calligraphie pour orner le tokonoma comportant un détournement de la célèbre maxime : cha zen ichimi ("thé et zen ont la même saveur"), en : cha ken ichimi ("thé et sabre ont la même saveur").
Lorsque je reçois un invité pour la première fois, je prépare et offre le thé selon un temae (手前 - processus de préparation du thé) qui s'appelle obondemae お盆手前. C'est le temae du débutant, le premier que l'on apprend lorsque l'on commence son apprentissage de sadô (茶道 - Voie du thé), le temae du "noble commencement". Bien que l'on n'utilise pas de chagama (茶釜 - bouilloire), mais un tetsubin (鉄瓶 - petite bouilloire à anse) accompagné d'un plateau (bon, 盆, qui donne son nom au temae), le processus de préparation reste "entier", mais condensé dans une forme moins complexe à appréhender, tant pour le teishu (亭主 - l'hôte, littéralement "le maître du pavillon") que pour le ou les kyaku (客 - invité). Obondemae est donc parfaitement adaptée à une rencontre chaleureuse pendant laquelle le service du thé est bien souvent une totale découverte pour mon ou mes invités du moment.
Obondemae c'est aussi une bonne manière de se rappeler qu'il faut s'efforcer de pratiquer avec l'esprit, l'âme et le coeur du débutant (初心 - shoshin). C'est à dire, avec humilité, attention, enthousiasme et sans préjugés. De par son aspect informel, obondemae offre une convivialité que j'affectionne particulièrement. Il permet que le moment de thé soit plus facilement un réel partage, un réel échange avec son ou ses invités.
à suivre (ou pas)...
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Toriawase (取り合わせ).
Hana (花): tsubaki, camélia
Hanaire (花入) : vase grés non émaillé, cuisson au bois, par Xavier Maffre
Tetsubin (鉄瓶) : à motifs d'écailles de tortue (kikkô 亀甲)
Binkake (瓶掛) : grès émaillé (noir tenmoku) tourné par Ulla Fröhle
Chawan (茶碗) : "Ichi"("un"), Shigarakiyaki
Usuki (薄器): Chû-natsume en bois laqué noir (shin-nuri)
Chashaku (茶杓) : "Deai" ("rencontre"), susudake. Cadeau de Chûjo Harayuki sensei
Marubon (丸盆) : plateau rond en bois de zelkova laqué (shunkei-nuri)
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120401 - Tout le Japon à Paris pendant 1 mois.
Non, ce n'est pas une blague en ce premier jour d'avril : le Japon sera bien à l'honneur du 7 avril au 8 mai au Jardin d'Acclimatation de Paris. La programmation des évènements est tellement dense, que je vous invite à consulter directement le site officiel pour plus de détails. Le but de l'évènement est de faire connaître les différentes régions du pays (il n' y a pas que le Kansai !!!).
Ainsi, parmi les nombreux spectacles programmés, vous pourrez assister à une pièce de théatre populaire (taishū engeki, 大衆演劇, lit. "théatre de masses"), jouée par la troupe Minami Family de la région de Kagawa (île de Shikoku). Une bonne occasion de découvrir folklore et contes de cette région dont la pièce s'inspire, surtout qu'une petite délégation de l'association Shikoku Muchujin sera présente pendant toute la durée de l'évènement. N'hésitez pas à venir à la rencontre de sa sympathique Présidente, Ozaki Mie san !!!
(Réprésentation gratuite : Dimanche 22 avril, lundi 23 avril et mardi 24 avril sur la grande scène).
A noter, une représentation unique aura lieu le samedi 21 avril 2012 à 19h à la maison du Japon de la Cité Internationale Universitaire de Paris.
L'entrée sera libre dans la limite des places disponibles !
Contact : pascal.griolet@inalco.fr
Bon spectacle ! Bonne Visite !
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