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- Emmanuel en train de préparer un usucha pour Laetita sur la "Piste aux étoiles" -
- Daikai (大海) par Laetita Pineda -
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131116 - Le premier.
Il y a peu, je préparais le thé pour Emmanuel et Laetitia.
Emmanuel et Laetitia sont des gens "extra-ordinaires" au sens littéral du terme.
Dire qu'ils sont tous deux "potiers" serait plus que réducteur.
Emmanuel et Laetitia ne travaillent pas la terre, ils vivent la terre.
Ils la ramassent, la broient, la nettoient, la tamisent, la façonnent, l'habillent et la cuisent de la manière la plus "pure" qui soit, en d'autres termes, ils font tout eux mêmes : tout le processus de production est réalisé de A à Z par leurs soins. Bien loin de l'idée de série, chacune de leur pièce est profondément unique, fruit d'une complexe alchimie de l'instant dans laquelle fusionnent les éléments (au sens taoïste du terme) et l'être humain.
Si vous n'avez jamais essayé de réaliser par vous même un objet en argile, mes propos vous paraîtront, cher lecteur, peut-être exagérés. Et pourtant, essayez d'imaginer la somme d'efforts et le travail nécessaire à l'élaboration de la moindre pièce : En premier lieu il faut de la terre. Emmanuel et Laetita n'achètent pas leur terre. Non, ils la ramassent. L'argile qui colle à vos semelles lors d'une balade au grand air, deviendra peut être entre leurs doigts, une délicate tasse dont l'extraordinaire pouvoir sera de rendre divin cet acte banal du quotidien qu'est de se préparer un thé. J'évoque ici le thé, parce qu'il me semble que le moteur de leur travail est avant tout l'ancestral breuvage.
Tout commence donc à partir d'un petite boule d'argile "sauvage". Cette quantité initiale de terre (aucun ajout ou retrait de matière ne sera opéré pendant l'élaboration de l'objet : la boule d'argile contient intrinsèquement l'objet final) va être façonnée aux doigts pendant de longues heures (aucune pièce n'est donc montée au tour, tout se fait manuellement) jusqu'à la naissance de l'objet. Puis, ce dernier sera "habillé" d'une glaçure ou d'un engobe. Dans les deux cas, la matière première de l'habillage aura été, elle aussi, récoltée dans la Nature et patiemment préparée. Dans le cas d'une glaçure, il faudra par exemple réduire un caillou à l'état de poudre aussi fine que du talc … et ce, bien entendu, à la seule force des poignets, à l'aide d'un pilon !
Et puis, après tant d'efforts, arrivera l'épreuve du feu… ça passe ou ça casse.
Evidemment, point de four électrique ou à gaz chez Emmanuel et Laetitia.
La cuisson se fait au bois ou au charbon dans des fours "maisons" réalisés eux aussi, de leurs propres mains. Et quel éclat doit briller dans leurs yeux quand, après avoir alimenter pendant les interminables heures nécessaires au temps de cuisson, vient enfin le moment où les pièces sont sorties de la gueule encore rougeoyante du "Petit Dragon" !
Parfois une pièce s'est cassée, anéantissant tout le travail réalisé en amont...
Mais heureusement, la magie opère le plus souvent et un petit bijou, encore incandescent, va finir sa métamorphose sous leur yeux en refroidissant, pour se réveler enfin, tel un insecte sortant soudain de sa chrysalide.
Il me semble bien difficile de poser des mots pour évoquer tout ce que m'inspire le travail d'Emmanuel et Laetita. C'est pourquoi je vous invite chaleureusement, cher lecteur, à parcourir leur site et surtout, SURTOUT, à vous précipiter à l'une de leurs expositions si l'occasion se présente.
Et sans doute chose plus facile : vous pouvez consulter les superbes photos de Jérémie Logeay réalisées à Loustalou, lieu où mènent les "chemins d'argile".
à suivre… (ou pas)
Toriawase (取り合わせ)..
Pour ce premier temae avec invités dans mon nouveau lieu de vie, j'ai utilisé à peu près la même sélection d'objets que lors de mon dernier temae à Soustons (voir billet 130804) : une manière comme une autre de "recoller les morceaux".
Une fois n'est pas coutume, je voudrais plutôt ici mettre à l'honneur l' omojawan (bol principal), création de Laetita dont, heureux hasard, j'avais fait l'acquisition un an auparavant, presque jour pour jour. Je l'ai baptisé " Daikai" (大海, "La Grande Mer") en raison des motifs formés par les superpositions de badigeons de terre de sigillées qui évoquent les vagues de l'océan.
Peut être aurais-je du commencer par cela pour rendre compte du délicat travail que Laetita a réalisé avec ce bol, peut-être aurais-je du tout simplement donner un seul chiffre, celui du poids de ce bol : 114g !!!
Mais disons que faire parler ici les chiffres m'apparaît être presque vulgaire...
Et puis, je pense sincèrement qu'il faut avoir ce chawan entre les mains pour en prendre pleinement conscience, pour le "saisir entièrement", si je puis dire…
Alors, à bon entendeur...
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131030 - Chez Monsieur Kakegawa...
Tout ce qui est petit est précieux. La minuscule boutique de thés de Monsieur Kakegawa illustre à la perfection l'adage.
En ce lieu, point de décor ostentatoire ou pseudo-japonisant. Non, chez Monsieur Kakegawa, l'accent est mis avant tout sur le thé, en toute simplicité, en toute sobriété. Sa boutique ouverte en janvier 2012 propose essentiellement des thés verts japonais (sencha) issus de première cueillette (ichibancha) et surtout provenant d'un seul et même producteur, terroir et cépage. L'analogie avec le vin n'est pas fortuite, après tout, pourquoi les critères entrant dans l'élaboration d'un grand cru ne fonctionneraient-ils pas pour un thé d'excellence ? Monsieur Kakegawa va même jusqu'à proposer une dégustation dans un verre à vin ! Passé le premier étonnement, on se rend vite compte que ce contenant est tout à fait adapté au contenu : la forme en "tulipe" d'un verre à vin permet de mieux canaliser les parfums dégagés par la liqueur et l'on peut ainsi en apprécier davantage le "nez" et la "robe".
La majorité des sencha nippons est fabriquée au sein de coopératives à partir d'assemblages (blend) de thés de divers producteurs. 80% de la production est issue du cultivar Yabukita. Monsieur Kakegawa, propose de découvrir d'autres saveurs, des saveurs "uniques" et localement marquées, comme le cultivar Koshun fruité et floral ou le Okuhikari aux notes puissantes et marines.
Monsieur Kakegawa propose également des thés millésimés que l'on prendra soin d'infuser en premier lieu à l'eau tempérée ! Oui, à l'eau tempérée ! Si je connaissais la technique d'infusion à la glace, je n'avais jamais eu l'occasion d'expérimenter une préparation de thé à l'aide d'une eau tempérée (il faut dire que ma connaissance en matière de sencha reste relativement peu étendue). Un peu de thé est déposé dans un watada (du nom de son concepteur : sorte de coupelle plate d'un diamètre de 8 à 9 cm environ et pourvue d'un bec verseur). Les "aiguilles" constituées par les feuilles de thé roulées sont de belle taille, d'un très beau vert sombre et il s'en dégage un parfum étonnamment frais pour un thé datant de 2002 (ce qui laisse présager que la technique de conservation employée est parfaitement maîtrisée). Monsieur Kakegawa verse ensuite dessus une eau spécialement sélectionnée par ses soins (on insistera jamais assez sur la qualité de cette dernière : l'eau constituant tout de même la grande majorité du breuvage final). Eau tempérée donc répétons le. Après quelques minutes, le thé se réhydrate et reprend une couleur d'un vert éclatant, tout bonnement étonnant ! Et bien entendu, il charge l'eau de ses composants aromatiques et olfactifs qui vont se retrouver concentrés dans les quelques millilitres contenus dans le watada. La liqueur est ensuite repartie dans de petites tasses en doses quasi homéopathiques. Mais quelle surprise à la dégustation ! En premier lieu le nez est puissant et annonce une explosion en bouche phénoménale, chose qui se confirme dès que la liqueur atteint le palais et la langue. C'est une expérience vraiment incroyable ! La longueur en bouche est également impressionnante. La fameuse cinquième saveur "umami" est bien présente avec une quasi totale absence d'astringence, tout au moins dans ce thé dégusté (cépage Yabukita, produit dans la zone Honyama, au sein de la région de Shizuoka). 5 infusions successives ont ainsi été réalisées, puis le thé, transféré dans un kyusu offrit une dernière infusion suave réalisée cette fois à l'eau chaude.
Vous aurez compris que de mon point de vue cette expérience de dégustation m'aura fortement impressionné et plutôt que de continuer d'essayer de qualifier avec des mots ce qui ne peut véritablement l'être, je vous invite, cher lecteur, à rendre visite à Monsieur Kakegawa dès que l'occasion se présentera pour expérimenter la chose par vous même (des ateliers sont également régulièrement proposés).
Une dernière chose importante que je tiens à préciser : l'accueil dans la boutique est d'un chaleureux naturel. Monsieur Kakegawa semble véritablement être animé par une grande passion, passion qu'il sait rendre délicieusement contagieuse.
Boutique Yasu Kakegawa
12 rue Simon Le Franc
75004 PARIS
Tél : 01 44 61 28 21
Metro : Rambuteau (11)
web : http://yasukakegawa.com
à suivre… (ou pas)
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131006 - A la recherche de...
L'automne étant propice à l'enracinement, une première série de végétaux (érables japonais, pieris japonica, aucuba japonica, bambou "sasa" (la même espèce que l'on trouve au Koto-in, lieu que j'affectionne tout particulièrement, etc. ) ont été posés au sol (dans leur pot) dans le jardin. Ils servent avant tout à structurer l'espace, à dissimuler (pour les plus grands), ou à attirer l'oeil en accrochant la lumière dans leur feuillage. Le fait de ne pas les mettre en terre de suite, permet comme avec l'ensemble des autres éléments du jardin, de pouvoir les déplacer à loisir jusqu'à trouver le "bon" emplacement. Bien entendu, il faut penser et anticiper le développement du sujet, la taille qu'il atteindra dans les années à venir, prendre en compte le fait qu'il perdra ou non son feuillage, etc. Tous ces paramètres sont en considération pour trouver un semblant d'harmonie.
La véritable harmonie ne se matérialisera qu'avec le temps, à condition que de bonnes bases aient été mises en place au préalable.
Toujours dans le même ordre d'idée, des pieux en bambou reliés par une ficelle servent à matérialiser les futurs takegaki aux emplacements "stratégiques" comme entre le sotoroji et uchiroji. Il est ainsi très facile de les ajuster en largeur, en hauteur et de modifier leur position.
à suivre… (ou pas)
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130929 - A la recherche de...
On déplace une pierre, puis une autre, puis une autre, puis une autre...
On recule, on observe...
Et le lendemain, on remet tout en place, pour finalement tout rechanger le sur-lendemain...
Il faut prendre son temps pour trouver l'harmonie. L'harmonie entre chaque élément qui compose un "groupe" (comme le tsukubai par exemple), mais aussi l'harmonie qui doit naître entre tous les "groupes" qui composent le jardin (comme entre le tsukubai et sôan, ou le tsukubai et machiai, ou encore le machiai et le sôan, etc).
Moins poétique, plus rationnel,
il faut aussi intéger des contraintes bien physiques : l'ensemble de la parcelle de terrain est équipée d'un circuit d'arrosage automatique enterré. Il me faut donc prendre en compte l'emplacement et le trajet effectué par les jets et ne pas venir placer un élement qui viendrait interférer avec l'installation. Bref, tout est affaire de compromis. Il faut essayer de trouver le meilleur parti en fonction de ce que l'on a à disposition.
Les photos ci-contre ne montrent qu'une étape de recherche. Les différents éléments (pierres et végétaux) ne sont que déposés au sol pour pouvoir juger de leur effet "in situ" et être re-déplacés à loisir.
Sur la première photo, en arrière plan, l'emplacement du sôan est délimité à l'aide de piquets et tasseaux de bois. Le sôan constituant le point central d'un roji, en le matérialisant au sol ainsi, il est alors plus simple de concevoir son environnement en "rayonnant" tout autour.
Mais tout ceci changera sans doute encore un peu demain...
Puis après demain... je n'ai pas encore trouvé précisément le positionnement optimal. Quant à l'harmonie, il faudra encore attendre un peu.
à suivre… (ou pas)
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130915 - Au Jardin...
Le jardin dont je dispose à présent est bien plus grand que celui de Soustons. Pourtant dans le cadre de mon nouveau projet (roji+chashitsu) ce n'est pas forcément un avantage, au contraire ! Ce n'est que mon avis, mais je trouve que les petits espaces sont bien plus adaptés aux jardins d'inspiration japonaise, quels qu'ils soient. C'est pour cette raison que j'ai décidé de ne m'occuper pour le moment que d'une petite partie seulement de la surface dont je dispose. Soustons m'a appris qu'un jardin de thé demande un entretien régulier et constant. Si au Japon, les jardins des temples peuvent bénéficier d'une main d'oeuvre nombreuse et volontaire (qui n'a jamais vu ces "oba-san" - grand-mères / grand-pères - accroupis dans la mousse, retirant méticuleusement chaque brin d'herbe disgracieux ? ) tel n'est pas mon cas.
J'ai commencé à débroussailler les abords de l'emplacement où se trouvera le sôan comme on peut le voir sur la photo ci-contre. Le chêne liège se trouve en haut à droite. Comme vous pouvez le constater, le terrain est en pente. Ce n'est pas la configuration optimale pour un roji, mais il existe de beaux exemples de jardin japonais qui ont tiré parti de ce genre de relief (Shisendo et Konpukuji que j'apprecie tout particulièrement, mais aussi, les Toji-in, Sanzen-in, Hokyoji, etc...).
Et après tout, un roji n'est-il pas sensé évoquer une ascension en montagne conduisant à un hermitage ? De fait, cela implique que l'entrée du jardin devra se trouver en contrebas de cette pente, à la hauteur du "Chêne Jeune"dont le tronc ferme le bord gauche de la photo.
Dans le fond, le bosquet d'arbres n'est pas sur mon terrain, il en constitue en fait la limite nord. Je ferais cependant en sorte de "l'intégrer" au jardin (technique appelée shakkei, 借景, litt. "paysages empruntés"). Soit dit en passant, cela ne devrait pas être trop difficile, puisque les arbres alentours semblent déjà faire partie de l'ensemble. La nature du sol est... sablonneuse... le sable est cependant légèrement plus foncé (plus riche en matières organiques donc) que celui de Soustons., mais cela reste un sol pauvre et acide (l'acidité étant plutôt une bonne chose pour les plantes japonaises qui sont habituées à ce genre de pH).
Ce sol entièrement recouvert d'un pseudo gazon, constituera le plus gros challenge qu'il me faudra relever puisque je pense le retirer complètement (du moins sur certaines parties "principales" dans un premier temps) pour voir si de la mousse pourrait venir s'y installer.
Sur la seconde photo, on discerne le bas du terrain (orienté à peu près à l'ouest donc), avec un vis-à-vis pas très heureux chez mon néanmoins sympathique voisin. L'autre gros challenge consistera à occulter cette partie sans toutefois stopper les rayons de soleil de la fin de journée, qui apportent une chaude lumière dorée au sol, lumière que j'aimerais beaucoup "inviter" à l'intérieur du sôan...
J'adore ce moment.
Ce moment, où le jardin commence à se "dessiner" peu à peu dans mon esprit.
Il faut faire durer le plaisir et ne pas se précipiter...
à suivre… (ou pas)
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130825 - La première !
J'ouvre donc aujourd'hui un nouveau chapitre des fujijardins, une "version 2.0", le point de départ d'un nouveau projet d'aménagement de jardin de thé qui sera accompagné, il va de soit, de son chashitsu.
A présent, il me faut faire connaissance avec ce lieu. Je ne le connais pas encore. Pour le moment je l'observe : Quel type de sol ? Comment est-il orienté ? Quelle est la course du soleil ? Quels sont ses points forts et faibles ? etc… Mais une chose saute au yeux lorsque on arrive sur place, c'est ce chêne liège majestueux, d'environ 250 ans qui trône là, comme maître absolu des lieux, mais qui néanmoins vous accueille chaleureusement à "branches ouvertes".
Quelle belle présence… nul doute qu'au Japon, il serait le siège d'un kami sama ! En tout cas il dégage quelque chose de fort ( on dirait même que cela pourrait être du わ ! ) et je sais dès à présent, que le chashitsu qu'il me faut construire se situera non loin de lui, lové sous ses branches épaisses. Et en parlant de branches… l'environnement est plutôt luxuriant. C'est ce qui manquait tant dans le jardin de Soustons. Pas les branches en elles-mêmes, mais l'ombre qu'elles offrent, cette ombre salvatrice pour la mousse et qui participe tant à l' atmosphère propre à l'esthétique sukiya, l'esthétique du monde du thé nippon.
わ est intrinsèquement lié à l'ombre, évidence que je "comprends véritablement" pour la première fois (une bonne occasion pour relire l'ouvrage de Junichirô Tanizaki sous ce nouvel éclairage, si je puis dire... ).
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130804 - Le dernier.
Le 14 août 2009 j'inaugurai Chisôan avec la famille Sakamoto. Fraîchement débarqués de Tôkyô, Wakako san, Koichi san et Kotaro chan m'avaient fait le plaisir et l'honneur d'être mes tous premiers invités (cobayes ?). Malgré la chaleur étouffante, digne d'un été nippon, nous avions passé un moment hors du commun, moment privilégié comme en offre très souvent sadô. J'ai une pensée émue aujourd'hui pour l'ensemble des personnes qui est passé ici. Qu'elles soient venues pour partager, échanger ou découvrir, je leur adresse à tous mes plus chaleureux remerciements. J'adresse également une pensée à tous ceux qui n'ont pas pu, malgré une volonté commune, venir me rendre visite. Les Landes de Gascogne peuvent paraître une contrée bien éloignée et le destin réserver des épisodes on se passerait bien… ce sera peut être pour une prochaine fois… ou pas...
Le 20 juillet dernier, la chaleur estivale était à nouveau de la partie et c'est en compagnie d'une autre de mes amies japonaises que je préparais et offrais le thé, une dernière fois, dans ma petite cabane... Une dernière fois, car 6 jours plus tard, je déménageais. L'épisode soustonnais des fujijardins se clôturait donc sur un thé joyeux basé sur la thématique de l'amitié, un thé préparé pour ma fidèle amie Noriko, pour son mari Johannes et leur amie Brigitte. Un dernier thé pour honorer, remercier et dire adieu à Chisôan.
Je ne veux pas regarder en arrière, le passé appartient au passé.
Il est certain que je laisse un peu de moi même dans ce petit morceau de terrain sablonneux de Soustons, dans cette cabane à thé que j'ai longuement élaborée. Et même si au moment de refermer une dernière fois le nijiriguchi, une émotion insoupçonnée m'envahit au point de ne pouvoir contenir mes larmes, je pense aujourd'hui à ce qui m'attend : un nouveau projet de jardin et de chashitsu.
Quelle chance de pouvoir repartir sur des nouvelles bases et dans un nouvel état d'esprit ! Lorsqu'en janvier 2008 je me lançais dans la construction de Chisôan, je ne savais pas très bien où j'allais, sadô (en tant que pratique) n'avait pas encore débarqué dans ma vie. Depuis, j'ai eu la chance de croiser le chemin de Gilles "Sôki" Maucout qui a bien voulu m'ouvrir les portes de l'école Sôhen Ryu Shodenan (宗偏流 正伝庵), ce qui forcément, a influencé et fait évoluer sur bien des plans "ma vision du thé" et la façon dont j'aborde ce site. C'est donc avec enthousiasme que j'accueille cette opportunité de pouvoir créer, à nouveau, un lieu consacré à ma passion du thé japonais, un lieu qui se composera bien évidemment d'un chashitsu et de son jardin.
J'aurais l'occasion de reparler de tout ceci et de partager ces nouvelles expériences ici même prochainement. Mais en attendant, je dois faire connaissance avec mon "nouvel environnement". Je vous souhaite donc, cher lecteur, un été radieux et vous donne rendez-vous très bientôt pour un nouveau chapitre des fujijardins.
à suivre ou pas… (comme d'habitude finalement).
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Toriawase (取り合わせ).
Kakejiku (掛軸) : "Yorokobu" (être joyeux, se réjouir)
Ohana (花) : Ajisaizoku アジサイ属 (hortensia). D'un bleu incroyablemement profond coupé dans le jardin de mon nouveau lieu de résidence et rapporté pour l'occasion dans le tokonoma de Chisôan.
Hanaire (花入) : Vase tressé en bambou en forme de tsuzumi 鼓 (tambour portatif)
Kôgô (香合) : Rakuyaki en forme de biwa 琵琶 (luthe) par Keiraku Ito
Furogama (風呂釜) : Type chôsenburo
Omojawan (主茶碗) : "Daikai" (大海, "La Grande Mer"), terre sigillée, par Laetitia Pineda
Kaejawan (替茶碗) : hirajawan de style Mishima.
Chaki (茶器) : Setoyaki chaire de type katatsuki par Tozaburo Kato
Chashaku (茶杓) : "Sanyu" (三友, "les 3 amis"), réalisé par mes soins avec l'aide de Mihara Keiji sensei.
Mizusashi (細水指) : magemono-mizusashi (曲物細水指)
Kensui (建水 ) : Bosaki kensui plaqué argent.
Futaoki ( 蓋置 ) : Gré recouvert d'émail de type Setoyaki, avec une représentation du Soleil et de la Lune, réalisé par mes soins.
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130622 - Le dernier お点前 pour Christian.
Christian Desbois
(1952 - 2010)
Photo : Didier Serplet - Rehaut : Enki Bilal
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130605 - Le dernier 朝霧
Comme si les souvenirs s'effaçaient déjà...
(Lac de Soustons - 6h45) |
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130510 - Le dernier 初風炉
à suivre aussi sur flickr...( ou pas.)
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130505 - Les derniers 菖蒲
à suivre aussi sur flickr...( ou pas.)
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130501 - Le dernier 春
à suivre aussi sur flickr...( ou pas.)
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130428 - Le dernier 炉
à suivre aussi sur flickr...( ou pas.)
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130419 - La dernière 藤
à suivre aussi sur flickr...( ou pas.)
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130113 - Hatsugama (初釜)
II y a quelque temps, je préparais le thé à l'occasion de Hatsugama.
Hatsugama (初釜, "hatsu" = premier / "kama" ou "gama" = bouilloire pour faire chauffer l'eau du thé) est donc le moment où l'on célèbre la nouvelle année en préparant un "premier thé". La décoration du tokonoma (tokokazari 床飾り) est alors bien particulière, et reflète en quelque sorte l' aspect festif, mais emprunt de solennité, qui sied à ce chakai unique dans l'année. On utilise souvent un "bouquet" de branches de saule nouées (結柳 musubiyanagi) et une composition (okazari お飾) réalisées avec divers "ingrédients". Taoka-san ( rencontrée à Takamatsu l'année dernière) me disait que musubiyanagi était issu d'une ancienne tradition chinoise. Lorsque des personnes devaient se séparer, on nouait des branches de saule dans l'espérance de retrouvailles prochaines. Il est également dit que le célèbre maître de thé Sen no Rikyu fût le premier à intégrer cette tradition dans son temae, plaçant des branches de saule nouées dans le tokonoma lorsqu'il préparait, en guise d'adieux, le thé pour des amis en partance (nombre de personnes dans l'entourage du maître furent envoyées en exil). Au Japon, musubiyanagi est devenue une décoration fréquemment utilisée pour le nouvel an que l'on retrouve dans les maisons , les magasins, les temples, etc. Sur un plan symbolique' le saule est un arbre propitiatoire, car il pousse depuis la terre, monte vers le ciel, puis ses branches s'inclinent à nouveau vers la terre, évoquant l'idée du "cycle de la vie", de continuité, d'éternité. Ainsi, plus les branches sont longues, mieux c'est.
Revenons au okazari, cette composition décorative utilisée pour le nouvel an, est censée éloigner le mauvais oeil et attirer la chance. Il en existe de diverses sortes, l'une des plus communes étant le kagamimochi (鏡餅 , litt. : "mochi miroir"), composé de 2 mochi (pains de riz glutineux pilé) surmontés d'un agrume nommé daidai (橙, phonétiquement identique à la répétition du mot "génération" : dai 代. Ainsi le fruit évoque lui aussi le cycle de la vie, l'idée de perpétuation de "génération en génération". Mais il ne s'agit pas que d'un simple jeu de mots, car il faut préciser que le daidai peut rester naturellement accroché sur sa branche pendant 3 années de suite ! Il est donc possible de trouver sur un même arbre plusieurs générations de fruits). Les mochi peuvent être posés sur une feuille de konbu (昆布, sorte de varech servant à l'élaboration du dashi, bouillon de base de la cuisine nippone), dont le nom évoque phonétiquement, en partie tout au moins, le mot "yorokobu" qui veut dire "être joyeux, se réjouir" (c'est d'ailleurs ce mot qui orne le kakejiku que j'ai sélectionné pour ce chakai). Avec tous ces jeux de mots subtils, qui peut encore croire que sadô est une voie austère ?
Autres okazari que l'on peut citer : le Hôraikazari 蓬莢飾 (du nom du mont Hôrai, montagne sacrée des Immortels que les jardiniers connaissent bien) qui inclut des branches de pins (symbole de longévité), les kazariebi 飾海老 (décorations incluant une langouste ou autre crustacé du même genre, dont le dos courbé évoque celui des personnes âgées et donc par analogie, la longévité) ou encore les kazarizumi 飾炭 (décorations incluant des morceaux de charbon de bois).
M'inspirant des "codes" de ces okazari, j'ai utilisé pour la décoration du tokonoma 3 morceaux de sumi (炭, charbons de bois) rapportés de Takamatsu l'année dernière, une branche de pin, une clémentine en guise de daidai, et une petite assiette de riz. Un morceau de sumi est caractéristique de ce que je trouve fascinant dans la culture japonaise. Un simple morceau de charbon est ici magnifié, poussé à son paroxysme, pour qu'il soit à la fois le plus efficace possible et le plus esthétique possible. Le bois utilisé au Japon est une sorte de chêne et pendant le processus de fabrication, la bois va éclater, l'écorce se décoller, formant une sorte de motif évoquant le kiku 菊, la fleur de chrysanthème. Ces cavités dans le charbon, vont faire que l'air va facilement passer au travers et ainsi offrir une parfaite combustion. Les morceaux de sumi utilisés pour chanoyu sont rigoureusement sélectionnés. On ne garde que les plus beaux morceaux. La fabrication de charbon, comme presque tout au Japon, reste un véritable Art.
Rien que pour son aspect esthétique, je souhaitais montrer à mes invités de véritables pièces de sumi (car au quotidien, j'utilise du charbon landais, certes plus facile à trouver, mais beaucoup moins esthétique), mais la tradition japonaises veut aussi que le sumi éloigne les démons pour l'année à venir... un peu de superstition ne peut nuire à personne... et c'est d'ailleurs pour celà que mes invités sont repartis avec une petite "calligraphie-souvenir-carte-de-voeux" de ma confection (il y est inscrit : "Océan de Bonheur et de Bénédictions").
Terminons sur une notre gourmande. J'avais préparé pour mes invités une petite collation (ozenzai). Il s'agit d'une sorte de soupe sucrée à base de azuki (petits haricots rouges japonais) servie avec un mochi grillé. La recette est en fait très simple et facile à réaliser, elle demande juste du temps et de la minutie : après avoir fait tremper les azkui toute une nuit, on les cuit à petits frémissements pendant 3 heures (écumer régulièrement). On y incorpore ensuite à peu près la même quantité de sucre et une pincée de sel et on laisse encore cuire une bonne demi--heure. Cela peut sembler "étrange", mais c'est vraiment délicieux.
A ce propos, si vous êtes intéressés par la cuisine japonaise, je vous conseille vivement le livre ci-dessous, c'est une véritable mine d'or ! Superbement illustré, il comporte bien entendu des recettes traditionnelles, mais aussi tout un tas d'explications passionnantes sur l'Art culinaire nippon, des trucs & astuces, etc.
Le meilleur ouvrage sur le sujet à ma connaissance !
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Toriawase (取り合わせ).
Ocha (お茶) : "Wakamatsu no Mukashi"
(若松の昔, litt. : "Jeune Pin des Temps Anciens"), Ippodo (一保堂), Kyôtô.
Tokokazari (床飾り) : kazarizumi (飾炭) et Musubiyanagi (結柳)
Kakejiku (掛軸) : "Yorokobu" (être joyeux, se réjouir)
Chagama (茶釜) : type marugama (丸釜), avec motifs de pins
Omojawan (主茶碗) : "Ama no Gawa" (天の川, "Voie Lactée"), Hagiyaki de style Ido
Kaejawan (替茶碗) : Kuroraku (raku noir) "Tôtomono" (貴者, "Le Précieux")
Chaki (茶器) : natsume (棗) laqué noir avec maki-e aux motifs de bambou
Chashaku (茶杓) : "Sanyu" (三友, "les 3 amis"), réalisé par mes soins avec l'aide de Mihara Keiji sensei.
Hoso mizusashi (細水指) : Shigarakiyaki, avec mimitsuki et nuributa (塗蓋).
Kensui (建水 ) : Bosaki kensui plaqué argent.
Futaoki ( 蓋置 ) : tronçon de bambou vert
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