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111115 : mardi 15 novembre. Takamatsu / Teshima
Aujourd'hui était un jour exceptionnel. Le matin nous avions rendez-vous à la fondation Chujo pour le Ochakai mensuel de l'établissement. En quelques mots : le thé, comme beaucoup d'autres pans de la culture traditionnelle japonaise, n'intéresse plus les jeunes générations. La fondation ouvre ses portes une fois par mois au grand public. Nul besoin de pratiquer sadô pour avoir le privilège de pénétrer les chashitsu (salles de thé) et assister à un chanoyu ("cérémonie" du thé). Si vous passez à Takamatsu un jour, ne manquez pas cette occasion de vivre une expérience de thé inoubliable.
Nous nous retrouvons autour de la table de thé que nous avons utilisée au Dome. Sur celle-ci, un magnifique mizusahi (pot à eau) au motif de mésanges et feuilles de vignes dorées, et posé à côté, un kuroraku (bol raku noir) d'un noir profond de toute beauté. Le kama (bouilloire) laisse échapper gracieusement des volutes de vapeur d'eau qui semblent entamer une danse hypnotique. Le couvercle entr'ouvert laisse échapper ce son si caractéristique de chanoyu, le matsukaze ("vent dans les pins") provoqué par le doux bouillonnement de l'eau.
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Pour plus d'infos sur les évènements organisés par la fondation Chujo, merci de consulter son site web ( en japonais uniquement malheureusement).
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Pour cette journée exceptionnelle, le sumi (charbon) remplace le brasier électrique. Je suis content, car, je n'avais jamais encore assisté à un chanoyu avec sumi au Japon. Je suis content parce que je réalise soudain que l'odeur du sumi est la même que l'odeur des charbons (français) que j'utilise chez moi. Je suis content car ce nouveau stimuli olfactif va améliorer le processus de déclanchement de mes "voyages en esprit" lorsque je serai au sein de Chisôan, ma "cabane à thé".
Désormais, en fermant les yeux, l'odeur de mes "pauvres charbons pour BBQ", me feront replonger dans l'ambiance de cette matinée, tout comme le font déjà l'odeur des tatami, du kô (encens), les ombres sur les shoji (fenêtres en bois et papier), le bruit du nigiriguchi (porte basse d'un sôan, cabane à thé "rustique") qui se referme ou encore celui du kakemono (rouleau calligraphié suspendu) qui, légèrement balancé par le vent, frappe contre le mur, etc.
Stéphane Barbery qui nous accompagnait encore aujourd'hui me disait que chanoyu était une transe. J'adhère complètement à cette vision.
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Julia était le shôkyaku (premier invité). C'est donc elle qui a bu dans le kuroraku. Puis le bol est passé de mains en mains, pour être admiré.
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Détail du mizusashi.
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Décoration du tokonoma.
Une imposante composition à base de kaki occupe tout l'espace.
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Les bénévoles s'affairent de partout. Il faut dire que nous ne sommes pas les seuls aujourd'hui à la fondation. Une bonne trentaine de personnes est là, dans les autres pièces, pour profiter aussi de l'occasion.
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J'adresse toutes mes plus sincères excuses à cette personne sur la photo. Elle ne voulait pas que je la prenne en photo... mai je trouve la photo trop belle pour ne pas la partager ici.
Gomen nasai. Yoroshiku onegaitashimasu. |
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Après avoir bu usucha (thé léger), nous avons été invités à partager un okoicha (thé épais) dans le sôan (pièce à thé rustique) situé dans le roji (jardin de thé) de la fondation.
Pour Nicolas, c'est un rêve qui se réalise. Le franchissement du nijiriguchi (porte basse) est un acte plein de symbolisme. Je suis heureux que Nicolas ait pu expérimenter cela aujourd'hui, je suis certain que cet instant restera à jamais gravé en sa mémoire.
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Novembre est le moment où l'on ouvre le ro (foyer encastré au sol). Ce moment est un peu le marqueur d'une nouvelle année de thé pour les pratiquants de sadô. C'est pourquoi on nous a apporté Ozenzai, une soupe de azuki (haricots rouges sucrés) accompagnée d'un mochi (gâteau de riz) grillé, plat emblématique du repas de nouvel an.
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Après avoir bu le thé, le sensei nous donne des détails sur la décoration du tokonoma. Les invités écoutent avec attention, tous les invités (nous étions 10 invités en tout, le sôan à une configuration un peu spéciale permettant d'accueillir un nombre plus important d'invités que la moyenne).
Vous aurez remarqué la "fosse" situé au centre de cette petite pièce adjacente, permettant aux personnes âgées, ou ne pouvant pas (plus) se mettre en seiza (à genoux, assis sur les talons), d'y placer leurs jambes. Le tatami se transforme ainsi en une sorte de "banc". Ingénieux, mais comme nous le disait Chujo sensei, dispositif pas très apprécié par sa "hiérarchie".
Dans le monde du sadô, chaque chajin, homme/femme de thé, se place sous la tutelle du iemoto et de la tradition qu'il incarne. La position orthodoxe reste le seiza. Pourtant, il est fort probable que du temps de Sen no Rikyû, d'autres "façons de s'assoir" (comme honza par exemple, la position dite "assis en tailleur") furent adoptées notamment par la classe dirigeante et les bushi (guerriers).
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Sumideamae, étape suivant un temae. On ôte le kama (bouilloire) pour remettre des morceaux de sumi (charbon) sur le feu. On remet de l'eau dans le kama afin de pouvoir refaire du thé, usucha suivant traditionnellement okoicha, mais là nous n'avions pas le temps. Il nous fallait prendre notre déjeuner (un délicieux bentô) et partir à 13h précises pour le port afin de prendre une navette vers l'île de Teshima...
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... et nous voici donc embarqués sur la navette pour Teshima. Excursion surprise puisqu'elle n'était pas prévue au programme. Nous avions en effet évoqué il y a quelques jours notre regret de ne pas avoir encore vu la mer de Seto et Chujo sensei a voulu nous faire plaisir et exaucer notre voeu...
Quelle gentillesse, quelle attention envers nous.... un immense merci pour tout ceci.
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Pour vous rendre sur Teshima, ou sur n'importe qu'elle autre île de la mer de Seto, il suffit de vous rendre sur le port. Vous y trouverez un bâtiment servant de salle d'attente et à l'intérieur duquel se trouvent des guichets pour acheter vos billets. Des distributeurs automatiques sont également disponibles. Compter 2600 yens pour un aller-retour Takamatsu-Teshima.
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La traversée dure 35 minutes. Parmi les quelques voyageurs, un français étudiant en architecture et qui ne parle pas japonais... comme quoi on arrive toujours à se débrouiller lorsqu'il faut acheter des billets pour le bateau ou pour toute autre chose.
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Teshima, est un monde à part. On a l'impression d'avoir remonté le temps.
Les maisons ne sont plus toutes jeunes... comme ses habitants d'ailleurs.
Tout est calme, on entend que le bruit des gréements des bateaux dans le vent et quelques corbeaux... ils sont décidément partout au Japon, même en bord de mer, à la place des mouettes.
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Tout à coup, un message au haut-parleur vient briser le silence.
C'est le boulanger qui arrive avec son camion...
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Notre hôte arrive en voiture et nous amène au Bar de Hitaki, endroit absolument merveilleux dont je suis tombé amoureux. C'est une sorte de "salon de thé" aménagé dans une ancienne maison d'un daimyo (seigneur féodal) local.
Le lieu est simplement fantastique... je me répète.... Le bâtiment a 280 ans.
J'ai l'impression d'avoir devant les yeux l'illustration de certaines pages du livre de Tanizaki : "L'éloge de l'ombre".
Ici un tsuke-shoin dans le fond l'image, sorte de bureau "incrusté" sous une fenêtre. C'est cet élément de décoration qui donne son nom au style architectural shoin, le style "noble" dont les prémices débutent fin Muromachi pour se développer pendant la période suivante (Momoyama).
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La lumière de cette fin d'après midi vient renforcer la beauté du lieu.
Quelle chance d'être là, de pouvoir vivre ce moment... je m'enfonce dans une douce mélancolie...
Tout amoureux du Japon ancien devrait pouvoir venir ici.
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(silence) |
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Il faut avouer que le côté "bling-bling" de l'époque avait une toute autre classe...
Vu la taille importante du ishidôrô accompagnant le haut chôzubachi situé en fin de engawa (coursive couverte), nul doute que ces 2 éléments ont été placés là pour impressionner les visiteurs du daimyo et faire étalage de sa richesse.
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(silence)
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(silence)
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(silence)
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La journée s'est achevée dans un sôan minuscule (ichijôdaime, 1 tatami 3/4).
Chujo sensei nous a préparé le thé. Un thé "bio" fait à l'ancienne au goût plus amer que d'ordinaire mais tout particulièrement savoureux.
Une fois encore, l'eau du kama était chauffée au sumi (charbon). Moment de partage absolu dans la plus grande des simplicités.
Merci à Chujo sensei pour cette journée inoubliable aux véritables airs de vacances.
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