111123 : mercredi 23 novembre. Takamastsu
(photo : Taoka sensei)
Demain nous ferons un dernier chakai lors de la conférence que nous donnerons devant les sponsors invités pour l'occasion. Et puis, le lendemain, ça sera le départ...
Aujourd'hui était donc notre dernier jour de rêve. Nous avons eu le grand plaisir d'être invités à un ochaji (cérémonie du thé formelle) organisé à la fondation Chujo par monsieur Seiwemon Onishi Hideo, seizième descendant d'un maître chaudronnier qui fabriquait des chagama (bouilloire) pour le célèbre maître de thé Sen no Rikyu (1522-1591). Une dernière fois, nous avons pu partager un double moment de thé : okoicha (thé épais) servi dans la pénombre du soân de la fondation, puis un usucha (thé léger) dans un hiroma (grande salle). Nous n'avons pas pu prendre de photos pendant le temae, je crois qu'autant Julia, Nicolas et moi, avions envie de vivre ce moment pleinement.
Monsieur Seiwemon Onishi Hideo a été des plus agréable à notre égard. Nous étions aux places d'honneur pendant usucha. Nous avons longuement échangé avec lui au sujet de son travail, à Kyôto. Crâne rasé, petites lunettes noires, kimono bleu-gris et hakama gris clair, il était magnifique à contempler pendant son temae. Monsieur Seiwemon Onishi Hideo est venu avec un "chagama de famille", des bols anciens de toute beauté ( les deux premiers bols surtout : un kuro-oribe et un hagiyaki) sur lesquels nous avons posé nos lèvres, un chaire (pot à thé) setoyaki d'une grande élégance. Mais la chose la plus émouvante pour moi, fût la présentation du chashaku (écope à thé). Il passe de mains en mains et l'on nous explique qu'il a été sculpté par Sen Sotan (1578–1658), le petit fils de Sen no Rikyu... le chashaku est très fin, bien équilibré, la patine du temps lui a donné une couleur brune et une douce brillance... c'est un magnifique objet... je prends tout à coup conscience du privilège dont nous bénéficions... Pendant ce séjour, nous avons rencontré des personnes accueillantes, généreuses, bienveillantes, attachantes et avons vécu des moments très forts en émotions. Tout ça grâce à Chujo sensei et Ozaki san.... merci...
J'espère avoir réussi, malgré la fatigue, à partager ces moments au travers ces pages. J'ai envie de continuer à partager ce que le thé m'a apporté, m'apporte et m'apportera. J'ai envie de mieux partager, de mieux offrir. Cela passera bien entendu par les "rencontres autour du thé" qui continueront de se dérouler au sein de Chisôan , chez moi à Soustons et cela passera bien entendu par les pages de ce site. Mais, ce soir, en écrivant ces lignes, je me dis qu'il y a certainement beaucoup plus et beaucoup mieux à faire...
Je ne sais pas encore comment, mais j'ai envie de faire durer éternellement ce dernier jour de rêve.
Ci-dessus (de gauche à droite) : Ônishi Seiwemon, préparant un bol de okoicha (thé épais). Le vénérable shokyaku (premier invité) pendant haiken (présentation des objets ayant servi pendant le temae). Dans ses mains, le chashaku sculpté par Sen Sotan et au premier plan, le kensui (pot à eaux usées) dont la forme évoque la protection des lames de yari (lance de samurai).
Ci-dessous (de gauche à droite) : L'étonnant tsutsukama (bouilloire cylindrique étroite) suspendu (tsurigama) , oeuvre de Ônishi sensei, utilisé pour usuchademae (préparation du thé léger). Remarquez le robuchi (cadre en bois disposé autour du ro), seul son chanfrein a été recouvert de laque noire, lui donnant ainsi un caractère semi-formel. L'ensemble des objets utilisés pour ce teame répond ainsi à la même logique. C'est pourquoi on trouve un nagaiita, une "planche longue" laquée noire sur laquelle trône le mizusashi (pot à eau) contemporain au faux air de seau à champagne. Il n'en est pas moins splendide accompagné des 2 bols principaux du teame : un kuroraku (raku noir) et un bol magnifique qui m'a réconcilié avec le côté "bling-bling" de la feuille d'or, SUPERBE ochawan !
Photos : Haruyuki Chûjo.
J'emprunte à Julia sa très détaillée liste des objets utilisés pendant le okoicha :
- Kakejiku (rouleau ornant le tokonoma) : 雲出洞中明 (kumo idete dôchû akiraka nari ) : « Quand les nuages se retirent, la caverne est illuminée »
. Calligraphié par le prêtre Tenyû du temple Daitokuji (à Kyôto. Temple ayant joué un rôle très impotant dans l'histoire du thé au Japon - ndlr).
- Hanaire (vase) : en bronze à ouverture dite « d'agrume Kansu » (唐銅柑子口 – karakane kansu-guchi) fabriqué par Jôgen (1689 – 1762), le sixième héritier de la famille Ônishi.
- Kôgô (boîte à encens) : porcelaine de style carrée, dont la forme rappelle les pinceaux d'Arima dans lesquels étaient cachée une petite figurine (呉須有馬筆 – Gosu Arima-fude).
- Kama (bouilloire) : bouilloire « grêlée » (car sa surface est couverte de bosses rappelant la forme des grêlons) à petite ouverture (霰乙御前 – arare otogoze).
- Mizusashi (pot à eau) : poterie de type Shigaraki créée par le maître de thé Kyûkyûsai (1840 – 1917). Il s'agit d'un accessoire précieux qui porte un nom, celui de Matsu no To (松乃戸).
- Chaire (boîte à thé épais) : céramique de type Seto portant le nom de Kanazuchi (金槌 - « Le Marteau »).
- Shifuku (poche en soie contenant la boîte à thé épais) : brocart d'origine chinoise (唐物錦 – karamono nishiki) à motif dit ichigo-gire (いちご裂).
- Chashaku (cuillère à thé) : Yokikana (善哉 – que l'on peut aussi lire « Zenzai »), une expression employée pour complimenter l'interlocuteur et lui souhaiter le plus grand bien.
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Kensui (pot à eaux usées) : en bronze (唐銅 – karakane) étroit et profond, en forme de protection de pointe de lance (槍の鞘 – yari no saya).
- Chawan (bol à thé) : bol noir de céramique du genre kuro oribe.
- Kaejawan (second bol) : bol aux tons blancs de type Shino.
à suivre (ou pas...)
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